La pollution de l’air peut rendre la respiration difficile. Elle peut également accroître la pression artérielle et le rythme cardiaque. Ces problèmes sont bien connus. Mais une nouvelle recherche financée en partie par l’Association pulmonaire de la Colombie-Britannique révèle que les émanations de diésel peuvent provoquer un autre changement toxique, en activant et en désactivant de manière inappropriée certains gènes chez l’être humain.
Des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique et de Vancouver Coastal Health ont constaté qu’une exposition d’aussi peu que deux heures à des gaz d’échappement de diésel peut entraîner des changements biologiques fondamentaux, en activant et en désactivant certains gènes.
L’étude consistait à placer des volontaires dans un isoloir de la taille d’une salle de bain ordinaire, recouvert de polycarbonate, puis à leur faire respirer des gaz d’échappement dilués et vieillis en concentration équivalente à la qualité de l’air sur une autoroute de Beijing ou sous certaines conditions dans des ports achalandés, des gares de triage, des mines et des sites industriels.
Les chercheurs ont examiné comment cette exposition affecte l’« enveloppe » chimique attachée à plusieurs parties de l’ADN humain. Appelée « méthylation », cette enveloppe de carbone et d’hydrogène peut atténuer ou arrêter l’expression d’un gène en l’empêchant de produire une protéine – parfois à l’avantage de l’individu, parfois non.
L’étude a constaté que les gaz d’échappement de diésel modifient la méthylation à environ 2 800 endroits distincts de l’ADN humain, affectant quelque 400 gènes. À certains endroits, ils la stimulent; ailleurs, ils l’inhibent.
La prochaine étape pour les chercheurs sera de déterminer l’effet sur la santé de ces modifications de l’expression génique. Mais cette étude montre à quel point notre machinerie génétique peut être vulnérable à la pollution de l’air, et elle démontre que des changements se produisent même en l’absence de symptômes évidents.
« Habituellement, lorsque nous examinons les effets de la pollution de l’air, nous mesurons des signes cliniques visibles – le débit d’air, la pression artérielle, le rythme cardiaque », signale le DrChris Carlsten, auteur principal de l’étude, professeur associé en pneumologie et président de la Chaire en maladies pulmonaires professionnelles et environnementales de l’Université de la Colombie-Britannique. « Mais l’asthme, la pression artérielle plus élevée et l’arythmie pourraient n’être que l’accumulation graduelle de changements épigénétiques. Nous avons ouvert une fenêtre sur l’apparition de ces problèmes à long terme. Nous étudions les changements très loin « sous le capot ». »
Le fait que la méthylation de l’ADN soit affectée après seulement deux heures d’exposition a ses avantages, note le Dr Carlsten.
« Chaque fois que l’on peut démontrer qu’une chose se produit aussi vite, cela signifie qu’on peut probablement la renverser – par la thérapie, par une modification de l’environnement ou même par l’alimentation », dit-il.
Ayant catalogué les changements dans l’ensemble du génome humain, l’équipe du Dr Carlsten partage à présent ses données avec des scientifiques qui s’intéressent à la fonction de gènes spécifiques.
Le Dr Chris Carlsten, chercheur primé, est professeur associé de médecine et président de la Chaire fondée en maladies pulmonaires professionnelles et environnementales de l’Université de la Colombie-Britannique. Il occupe également des postes auxiliaires au Peter Wall Institute for Advanced Studies, à l’École populationnelle et de santé publique de l’Université de la Colombie-Britannique et au Centre de recherche James Hogg. À titre de directeur de la Clinique des maladies pulmonaires professionnelles du Centre pulmonaire (Hôpital général de Vancouver), il reçoit des patients ayant des préoccupations liées à des expositions professionnelles ou environnementales contribuant à des maladies respiratoires comme l’asthme, la MPOC, la maladie pulmonaire interstitielle, le cancer et la maladie pleurale.